Le loup devenu berger
                                              

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Jean de La Fontaine

Les fables

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Remerciements        

Un loup, qui commençait d'avoir petite part

Aux brebis de son voisinage,

Crut qu'il fallait s'aider de la peau du renard

Et faire un nouveau personnage.

Il s'habille en berger, endosse un hoqueton,

Fait sa houlette d'un bâton,

Sans oublier la cornemuse.

Pour pousser jusqu'au bout la ruse,

Il aurait volontiers écrit sur son chapeau :

C'est moi qui suis Guillot, berger de ce troupeau.

Sa personne étant ainsi faite

Et ses pieds de devant posés sur la houlette,

Guillot le sycophante* approche doucement.

Guillot le vrai Guillot, étendu sur l'herbette,

Dormait alors profondément.

Son chien dormait aussi, comme aussi sa musette.


 

La plupart des brebis dormaient pareillement.

L'hypocrite les laissa faire,

Et pour pouvoir mener vers son fort les brebis

Il voulut ajouter la parole aux habits,

Chose qu'il croyait nécessaire.

Mais cela gâta son affaire,

Il ne put du pasteur contrefaire la voix.

Le ton dont il parla fit retentir les bois,

Et découvrit tout le mystère.
Chacun se réveille à ce son,

Les brebis, le chien, le garçon.

Le pauvre loup, dans cette esclandre,

Empêché par son hoqueton,

Ne put ni fuir ni se défendre.

 

Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre.

Quiconque est loup agisse en loup :

C'est le plus certain de beaucoup.

 

* "trompeur" (note de La Fontaine)