Un loup,
qui commençait d'avoir petite part
Aux brebis de son voisinage,
Crut qu'il fallait s'aider de la
peau du renard
Et faire un nouveau personnage.
Il s'habille en berger, endosse
un hoqueton,
Fait sa houlette d'un bâton,
Sans oublier la cornemuse.
Pour pousser jusqu'au bout la
ruse,
Il aurait volontiers écrit sur
son chapeau :
C'est moi qui suis Guillot,
berger de ce troupeau.
Sa personne étant ainsi faite
Et ses pieds de devant posés
sur la houlette,
Guillot le sycophante* approche
doucement.
Guillot le vrai Guillot, étendu
sur l'herbette,
Dormait alors profondément.
Son chien dormait aussi, comme
aussi sa musette.
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La
plupart des brebis dormaient pareillement.
L'hypocrite les laissa faire,
Et pour pouvoir mener vers son
fort les brebis
Il voulut ajouter la parole aux
habits,
Chose qu'il croyait nécessaire.
Mais cela gâta son affaire,
Il ne put du pasteur contrefaire
la voix.
Le ton dont il parla fit
retentir les bois,
Et découvrit tout le mystère.
Chacun se réveille à ce son,
Les brebis, le chien, le
garçon.
Le pauvre loup, dans cette
esclandre,
Empêché par son hoqueton,
Ne put ni fuir ni se défendre.
Toujours par quelque endroit
fourbes se laissent prendre.
Quiconque est loup agisse en
loup :
C'est le plus certain de
beaucoup.
* "trompeur" (note de La Fontaine) |